1 DE ABRIL DE 1924 - JOSÉ BENTO DE ARAÚJO NA LISTA DOS GRANDES CAVALEIROS (na imprensa francesa)


LE CABALLERO EN PLAZA

Ce nom prodigieux évoque dans nos souvenirs un spectacle plein de grâce et de majesté.

En effet il en est peu, possédant à un plus haut degré - si j'excepte à juste titre la tauromachie espagnole qu'elle soit Novillada ou de Cartel - qui puisse faire vibrer les "afficionados" a los toros ou a los toreros, davantage que le caballero en plaza.

Nos amis de "tras los montes" l'ont si bien compris que le caballero en plaza est désormais de toutes les grandes solennités tauromachiques, et même royales: Mariage princier, bénéfice de la Croix Rouge Espagnole, Corrida de la Presse, de Charité, etc.

Le travail du caballero en plaza est né au Portugal, et cela est assez compréhensible. La péninsule ibérique, en donnant naissance à ces deux peuples pourtant si dissemblables de moeurs et de langage que sont les portugais et les espagnols, a voulu les unir sur le terrain où se rencontrent tous les braves gens, j'ai nommé celui que nous aimons, celui qui est sacré pour nous: "L'Aficion".

Tous les gouvernements qui se sont succédés au Portugal, que ce soit monarchie ou république, ont toujours été adversaires irréductibles, de la corrida avec mise à mort; ce petit peuple latin, moins heureux que le peuple d'Espagne, n'a pas su imposer sa volonté, et alors il a essayé de tourner la loi - la ruse n'est-elle pas l'arme des faibles? - en instituant la corrida portugaise, où s'il y a mort, cette dernière est considérée comme un accident involontaire et par conséquent non justiciable et non punissable.

De ce fait tout le monde est content, les aficionados et la S.P.D.A. portugaise; cette dernière existe aussi là-bas, aussi méchante que chez nous et ce n'est pas peu dire.

Bibliothèque nationale de France

Voici donc notre caballero en plaza, au milieu du redondel qui va devenir le théatre de ses exploits.

Permettez-moi de vous le présenter.

Jusqu'à cette année les caballeros en plaza que nous avons eu le plaisir d'applaudir étaient costumés comme on l'était sous le règne de Philippe IV d'Espagne, costume noir, chapeau marquis avec plumes blanches, catogan et perruque poudrée à frimas, bottes vernies à l'écuyère, petite épée de cour à poignée de nacre au ôté, etc., etc. C'est ainsi que nous vîmes Barajas, frère aîné du jeune matador du même nom et, avant la guerre, notre picador de réserve "Capsir" n'hésitait pas à se travestir de la sorte, quand il essayait d'exécuter les suertes du caballero en plaza.

C'est à dessein que je dis essayer, car le pauvre garçon n'était pas un as de la course portugaise.

Le picador espagnol actuel qui réussit le mieux ce genre de suerte se nomme "Badila", et est connu de la plupart des aficionados des trois pays latins: France, Espagne, Portugal.

Voici les noms des caballeros en plaza, qui dans ces 30 dernières années ont le mieux illustré la Course Portugaise. Je cite par rang d'ordre:

(José) Bento de Araujo;
Les "Casimira d'Almeida" (père et fils);
Isidoro Grané;
Marciano de Ledesma;
Don Ruy de Camara.

Voilà pour les écuyers, car il y a eu également des écuyères, ce furent dans l'aristocratie portugaise:

Mathilde Vargas de Zaheleta de Oliveira qui combattit devant la cour de son pays et enfin une gracieuse écuyère française, Maria Gentis.

Ce qui prouve que si notre pays de France a donné à l'aficion espagnole Félix Robert et les Pouly, il n'a pas voulu rester en retard auprès de l'aficion portugaise, puisqu'il lui a donné une de nos charmantes compatriotes; dans les milieux bien informés, on croit de plus que Mlle Musidora va travailler fermement ce nouveau genre de sport.

Les armes du caballero en plaza sont de deux façons.

La première est le rejones en jarpas ou javeline longue et le rejon de muerte ou de mort qui ne peut être employé qu'en France ou en Espagne, d'une façon officielle.

Il reste bien entendu que l'arme principale du caballero en plaza, dont on ne parle pas, mais qui demeure maîtresse de la situation, c'est le cheval.

Ce magnifique coursier n'a rien de commun avec les maigres et lamentables haridelles de nos picadors, c'est généralement un pur sang andalou et qui connaît les "toros" aussi bien que son maître.

C'est dans la vigueur des jarrets de ce noble animal, dans la courbe gracieuse de son poitrail, dans la finesse et l'intelligence de sa jolie tête expressive, que va résider la beauté de la lutte, qui va lui permettre de sauver sa vie, tout en assurant celle de son maître lorsque tous deux se lanceront en duel faroule contre le non moins noble animal qui a nom: "Toro de lidia".

Mais les clarines ont sonné, notre cavalier est en selle. Son petit galop d'essai autour du redondel vient de finir. la porte du toril vient de s'ouvrir pour laisser passer le toro.

C'est l'instant tragique et délicieux entre tous pour le véritable aficionado, les deux adversaires sont dignes l'un de l'autre et nous admirons le caballero en plaza comme le digne descendant du "Cid Campéador" dont il porte le titre et continue le chevaleresque emploi.

Cessons ce lyrisme et entrons dans la partie technique du travail qui va se dérouler sous nos yeux.

Voici les principales manières de placer les rejones:

1º La suerte de tienta ou de cara (de face);

2º La suerte a tira ou a estribeira (a toro arrêté);

3º La suerte a Media-Vuelta (au demi-tour).

Pour la première de ces suertes, le caballero attend à gauche, et à 50 pas de la porte du toril, la sortie du toro.

Il va à la rencontre de l'animal par une marche oblique et assez lente, et a jurisdiccion, il cloue son rejon, éperonne vivement et passe sur le côté droit du toro.

Un capeador détourne le bicho si besoin est. C'est la suerte que les cavaliers exécutent dès le début de la course, la plupart du temps, et c'est pour cette raison que les portugais l'appellent à porta gaiola.

La seconde suerte se différencie de la précédente en ce sens qu'ici le caballero se dirige vers le toro arrêté au lieu de l'attendre ou de marcher à sa rencontre.

En somme, elle consiste pour le cavalier, à passer au grand galop, de la gauche à la droite du toro, en posant le rejon quand il arrive à la hauteur de la tête de l'animal.

Il est défendu de piquer si le toro n'humilie pas pour frapper.

Enfin, pour la troisième suerte et pour les toros difficiles, le caballero en plaza doit agir par surprise. Il se place à quelques pas derrière le bicho et sur le côté droit, court vers lui et quand l'animal se retourne, il cloue le rejon et s'enfuit.

Le toro a exécuté un demi-tour pour faire face à l'attaque, d'où le nom donné à la suerte "Media-Vuelta" au demi-tour.

Voilà donc succinctement exposées les différentes suertes du caballero en plaza, peu connues à ce jour.

Mais un jour, il vous sera donné de voir le prince des caballeros en plaza de l'heure actuelle, celui dont le nom est sur toutes les lèvres et dans bien des coeurs: "Don Juan Carnero".

Qui n'a pas vu Carnero n'a rien vu, il est la grâce, le courage, l'élégance, la distinction faite homme.

Beaucoup d'entre nous l'ont vu au cinéma, dans le film de "Sol y Sombra", qu'il tourna avec Musidora, mais c'était un rôle de torero à pied, il faut le voir à cheval et au naturel.

Il fut admirable à Dax et à Bordeaux, tout comme à Madrid et à Séville, rompant avec la tradition, il ne s'affuble pas du pourpoint en velours noir de Philippe IV, mais su seyant et si pittoresque costume de cavalier andalou, et quand vous le verrez "vestido de corto" vous aimerez la Course Portugaise, digne corolaire de la Course Espagnole et son égale par bien des points, de ce qui touche et exhalte notre âme latine, toujours sensible à la beauté, à la lumière, à la grâce, aux couleurs et à la bravoure de la "Fiesta Brava".

Henri LOUSTEAU, Secrétaire Général du Taureau-Sport Bordelais

In AFICION, ORGANE OFFICIEL DES SOCIÉTÉS TAURINES DE FRANCE ET D'ALGÉRIE, Marselha - 1 de Abril de 1924