PLAZA DE NÎMES
Inauguration de la Temporada
Ceux de nos lecteurs qui croiraient trouver à cette place un compte-rendu minutieux et détaillé de la course d’inauguration de la Temporada, seraient grandement déçus. Nous leur avouons franchement que le petit nombre de notes que nous avons prises pendant cette course, ne nous permettant pas de le faire avec toute l’exactitude que nous aurions voulu y apporter, nous avons dû laisser ce soin à d’autres plus habiles ou plus experts que nous. Au reste ceux de nos lecteurs qui désirent connaître tous les détails de cette course les trouveront dans les journaux quotidiens généralement bien renseignés.
Toutefois pour remplir notre devoir envers les aficionados et sans faire aucune offense à la vérité, nous pouvons dire que la cuadrilla de novilleros et les toros présentés dans cette course par M. Fayot, sont bien au-dessus de la moyenne de tout ce que nous avons pu voir dans nos arènes. Les toros beaux et puissants, de belle performance, bien armés, de poids (sauf le 4ème et le 5ème, un peu moins forts) ont tous fourni une bonne carrière, et bien défendu l’honneur de leur caste. Le dernier, le coq de la course, pourrions-nous dire, claro y sencillo, a permis à nos jeunes novilleros de montrer l’adresse et l’agilité qui les distinguent.
Les recortes, veronicas, navarras qui ont été faits à ce toro para Pepe Hillo et Gonzalito ont fait l’admiration de tous les aficionados. — Dans la pose des banderilles, Leal et Gonzalito se sont particulièrement distingués. Les quatre paires, trois al sesgo, la dernière de Gonzalito al cuarteo aprovechando, ont été posées en bonne place, dans une surface pas plus grande que la main.
Des applaudissemeents mérités ont récompensé ce travail que rien ne saurait payer. Descompuesto en sortant de la pose de banderilles, le toro s’est mal prêté à la faena de muleta, néanmoins, Pepe a su lui faire encore de bonnes passes parmi lesquelles quelques-unes bien rematadas. L’estocade qui a terminé a été donnée à la meilleure place, en la cruz. Bravo Hillo! Continuez ainsi et vous ajouterez de l’éclat, si cela est possible au nom célèbre que vous avez adopté.
Tous les autres
muchachos ont bien gagné leur solde, et ont été vivement applaudis.
M. (José) Bento d’Araujo est toujours l’habile et gracieux caballero que nous avons admiré la saison dernière. Dimanche, comme si cela était nécessaire, il nous a donné une nouvelle et éclatante preuve de sa science d’écuyer et du sang froid imperturbable qu’il apporte dans son travail difficile et dangereux.
Le toro, deuxième de la course, qui lui était destiné, était de sentido y codicioso, mal intentionné, désireux d’essayer la trempe de ses cornes. La tête haute, il se gardait des javelines dont il semblait connaître le gout. Dès qu’un des muchachos lui jeatit sa percaline, il fondait sur lui avec la rapidité de l’éclair, le poursuivait jusqu’aux tablas, qu’il frappait de ses cornes. Malheur si le muchacho eut manqué l’étrier! Aussi n’est-ce qu’à la force d’adresse, de bonne volonté et de beaucoup de sang-froid que M. (José) Bento (de Araújo) aidé par la cuadrilla est parvenu à javeliner ce bicho vindicatif. M. (José) Bento (de Araújo), mis plusieurs fois en danger par les charges furieuses que ce cornupeto faisait aux moments qui lui paraissaient opportuns, s’est magistralement tiré d’affaire; nous lui en faisons tous nos compliments. Les bruyants et unanimes applaudissements du public lui ont prouvé combien son beau travail était apprécié.
Il nous reste maintenant à dire un mot des pégadores africains. Cette cuadrilla composée de quatre noirs, tous plus affreux les uns que les autres, fagotés à la façon de ces épouvantails dont se servent les jaardiniers pour écarter les moineaux pillards nous a ecœurés. Tout le travail de ces harapientos consiste à se traîner dans la poussière, à faire des grimaces et des contorsions épouvantables, qui ont fini par exaspérer le public. Le grand art du Toreo n’a rien à voir avec cette acrobatie ignoble et idiote, on ne peut que l’abaisser et l’avilir en le mêlant à des exhibitions aussi stupides. Du reste la protestation du public a été assez bruyante et assez énergique pour que M. Fayot l’ait entendue. Y no digo más.
En résumé bons toros, bons toreros, bonne course qui aurait été excellente, si les deux toros des pégadores avaient été courus par les novilleros.
Après-midi splendide. Beaucoup de monde aux premières et à l’amphithéatre; assez aux seconces; peu ou point aux troisièmes et au toril. Señor Fayot! Toros de cincos y torero de veinte inco y la plaza sera un lleno.
Juancho RESDAYÉ
In LA MISE À MORT, Nîmes – 6 de Maio de 1893