La course du 25 juin, jugée de l’amphithéatre
Pour une fois, savez-vous, la course a été magnifique. Du haut de la corniche, où j’ai peine à me loger, le coup d’œil est ravissant. Tout est bondé. 18,000 spectateurs environ garnissent les gradins. Tous jubilent. Pensez donc, vingt sous de gagné en deux heures!
Le paseo a lieu à 3 h. 15. Il est splendide. Le carosse seul, vu de dessus, me laisse froid. J’aime mieux admirer (José) Bento d’Araujo sur son fringant coursier que dans cette guimbarde.
― La sonnerie retentit et Panadéro fait son entrée, noir taché e blanc, bien armé et de belle performance, il prend, après réflexion, 8 piques et cause 2 chutes. Les matadors bons aux quites. Quinito très remuant, applaudi pour ses adornos est bousculé, heureusement sans conséquences.
L’opération du désemboulage, est faite après le travail des picadors, et menée rondement. Bravo, pour cette innovation. Panadéro reçoit à sa sortie 4 bonnes paires de banderilles correctement de muleta et termine par un simulacre à volapié qu’il donne de loin en jetant la muleta.
― Le 2ème réservé au caballero en plaza est fuyard. (José) Bento d’Araujo, toujours vaillant, le cite en vain. Après quelques essais, il parvient à lui piquer 3 rejons qui lui valent une ovation.
Il tente aussi de placer des banderilles courtes mais devant les mauvaises qualités du toro, il doit y renoncer.
Après le désemboulage, toujours rapide, et sur la demande du public, Quinito cape ce toro. Ses véroniques sont applaudies.
Corrion est orné de 2 demi-paires de banderilles et d’une paire supérieure au cuarteo. Quinito après un excellent travail de muleta, lui marque un bon simulacre à volapié.
Le troisième toro salué par quelques passes de cape prend avec bravoure 7 piques. Le service des cabestros est mauvais. Gollareto est paré de deux demie-paires et de deux bonnes paires de banderilles. Centeno après quelques remarquables passes de muleta dont une de poitrine et deux changées supérieures en finit par un simulacre bien signelé.
Incident comique
― Pendant l’entr’acte qui suit, les spectateurs aperçoivent M. Fayot causant avec le caballero en plaza à l’entrée du toril. Les cris de «Vive Fayot» éclatent de toutes parts. (José) Bento (de Araújo), toujours plaisant, traìne littéralement M. Fayot dans l’arène. Ce dernier décontenancé par cette ovation peu habituelle, salue tant bien que mal, ramasse et renvoie les casquettes, les cannes, les ombrelles et les éventails de ces dames qui couvraient le sol de l’arène.
Un de nos voisins, nous affirme qu’à l’exception des rédacteurs de la Mise à Mort qui se morfondent devant ce beau spectacle tout le monde a fortement applaudi. Et tout le monde avait raison, car il lui devait bien cette compensation.
Le quatrième bien armé, de poids et vif, se cabre aux premières passes de cape de Quinito, prend dix piques et blesse grièvement un bidet. Il reçoit trois belles paires de banderilles après un adorno coleando d’Antolin et passe à la suerte surprême. Quinito lui donne 24 passes de toutes classes, pour un désarme, 7 autres passes diverses, cadre la bête et la citant, porte une estocade recibiendo qui soulève un enthousiasme indescriptible. Pour la première fois à Nimes l’oreille est accordée à l’heureux matador.
Le cinquième, noir et de belles formes, est boîteux, Centeno le reçoit par quelques belles passes de manteau. Il va six fois aux picadors et blesse un cheval. Les banderilleros l’ornent de deux paires bonnes et Centeno après quatre passes de muleta très régulières lui donne une bonne estocade pasada por pararse, que les classiques ont confondu avec la gollete. (Applaudissements).
Le sixième est blanc sale, il prend, sans se fixer, 10 piques et cause une chute, très agile il saute la barrière et tombe par tête. Les diestros se chargent des banderilles. Quinito place une demi-paire à l’écart et une bonne paire cuaerteando. Centeno, une paire supérieure al quiebro et l’autre au cuarteo. Quinito, après 10 bonnes passes donne une estocade courte, 6 passes et une deuxième estocade qui rencontrant les os ne porte pas, deux autres passes et finit avec ce toro par une estocade supérieure à volapié. (Ovation).
RÉSUMÉ
Les toros de Concha y Sierra bons en général. Les matadors bien aux quites et à la cape. Centeno supérieur aux banderilles et à la muleta. Quinito très heureux à la mort de son premier. Les banderilleros au-dessus de tout éloge; les picadors vaillants, ont bien défendu leurs montures. (José) Bento d’Araujo est toujours l’élégant rejoneador. En somme, course admirable et comme nous souhaiterions d’en voir beaucoup pour M. Fayot, pour le public et un peu aussi pour nous.
J. C. GALLO.
In LA MISE À MORT, Nîmes – 1 a 8 de Julho de 1893