30 DE ABRIL DE 1893 – NIMES: PRIMEIRA CORRIDA DA TEMPORADA FOI UM SUCESSO APESAR DA PALHAÇADA DOS… (na imprensa francesa)

 


Bibliothèque nationale de France


Chronique du Gard

Arènes. — La course d’hier. — On peut dire que la première course de la saison était un événement impatiemment attendu dans notre ville et dans la région. Pour une partie du public, elle a été satisfaisante ; elle a été une déception pour beaucoup ; elle a été pour nous ce à quoi nous nous attendions, c’est-à-dire un mélange de bon et de mauvais. Nous ferons la part de l’un et de l’autre avec l’impartialité que M. Fayot lui-même attend de nous.

Il est incontestable que la nouvelle direction s’est attiré la sympathie du public par le brillant programme qu’elle a annoncé, et si beaucoup de nos concitoyens ont d’abord protesté contre une élévation du prix des places à laquelle ils n’étaient pas habitués, tous reconnaissent aujourd’hui que la direction, en s’imposant pour faire bien et beau de grands sacrifices, se trouvait dans l’obligation d’augmenter le prix d’entrée.

Mais M. Fayot ne connait encore exactement ni les mœurs de notre pays, ni la disposition de nos arènes, et il a commis une double erreur par la création des troisièmes et par une distinction trop grande (au point de vue du prix) entre le toril et l’amphithéatre.

 Jusqu’à aujourd’hui nous avons voulu laisser M. Fayot entièrement à lui-même ; nous n’avons pas voulu imiter quelques uns de nos confrères et lui distribuer chaque jour dans nos colonnes, observations, conseils et avertissements. Nous avons pensé que la meilleure leçon est celle de l’expérience. L’expérience est faite aujourd’hui, et nous nous bornerons à constater ce qui est, avec une franchisse dont M. Fayot, en homme inteligent, saura nous tenir compte, puisque c’est dans son intérêt autant que dans celui du public que nous parlons.

Nous évaluons approximativement à 8.000 personnes le chiffre des spectateurs. Mais la plupart avait pris place dans l’amphithéatre, et, ainsi que nous l’avions prévu, les troisièmes étaient absolument vides et c’est à peine si une cinquantaine de personnes occupaient le toril.

Les dix premiers gradins de l’amphithéatre qui forment l’hémicycle, à la suite des premières et des secondes, étaient littéralement nus. Et c’était un triste spectacle, qui a tout d’abord jeté sur la course une sorte de monotonie, que cet espace vide de gradins ensoleillés, d’ordinaire pris d’assaut par les plus zélés et les plus ardents des aficionados.

Toute la course s’en est ressentie, car on n’a pas trouvé de la part du public cet enthousiasme auquel nous sommes accoutumés.

 Dès le début cependant, on a pu constater la valeur du quadrille qui nous était présenté. Pepe-Hillo est un toreador de race, qui connait bien son art, hardi et toujours sûr de lui-même, maniant avec beaucoup d’adresse la cape et la muleta. Il était bien secondé par son sobresaliente Gonzalito, et ses banderilleros, qu’on n’a pas aasez longtemps vus à l’œuvre, paraissent former une «cuadrilla» très homogène.

 Le premier taureau, vaillant et très franc, a été correctement travaillé. Il a reçi trois paires de banderilles et, après douze passes de muleta, il a reçu le simulacre de la mort par une estocade franche et bien placée.

Le caballero en plaza (José) Bento de Araujo a paru ensuite dans l’arène, tout pimpant dans son magnifique costume argenté, monté sur son beau cheval gris, admirablement dressé. (José) Bento (de Araujo) dont le souvenir était encore présent à la mémoire de tous, a été accueilli par une salve d’applaudissements. Il a combattu, avec l’habileté dont il a déjà fait preuve à la grande course du 7 août (1892), le deuxième et le quatrième taureau qu’il a piqué de ses javelines, de ses banderilles, soulevant chaque fois par son adresse et son sang-froid les bravos du public.

Hélas ! il n’en a pas été de même des Pegadores nègres. Les malheureux, malgré toute leur bonne volonté, ont été impitoyablement hués et sifflés. Nous sommes obligés de reconnaître en effet que ces pitreries de cirque, très dangereuses assurément, sont à la fois disgracieuses, sans intérêt et sans art. Ce sont des clowneries indignes d’un vrai spectacle tauromachique ; et nous espérons bien que la direction, devant les protestations unanimes du public, renoncera à cette partie de la course.


Les spectateurs eussent beaucoup préféré voir les taureaux

exclusivement travaillés par le quadrille et ils l’ont manifesté au 3e et au 5e taureau, en réclamant à grands cris Pepe-Hillo et ses toreros.  

            Le dernier taureau a heureusement donné entière satisfaction au public. Il a été travaillé de façon parfaite par la cuadrilla. Pepe-Hillo et Gonzalito l’ont d’abord capé de très près ; il a été ensuite banderillé huit fois, et notamment par les deux chefs, avec beaucoup d’adresse. Enfin, après huit passes de muleta très serrées il a été estoqué d’une façon magistrale.

            Cette dernière course a été la meilleure de l’après-midi et c’est ainsi sur une excellente impression que le public s’est retiré.

            Les taureaux étaient, à l’exception du deuxième, pleins de fougue et de franchise.

            Avec un tel bétail, la course eût été excellente, si les exercices des pegadores ne lui avaient enlevé la plus grande partie de son intérêt.

Nous devons tenir compte à M. Fayot de ses  excellentes intentions, des sacrifices considérables  qu’il s’est imposés, mais nous devons à la vérité de dire qu’on attend mieux de lui. Qu’il se conforme au goût du public, qui est le meilleur juge en la matière, et qu’il considère bien qu’à Nimes on aime l’art tauromachique, mais qu’on n’admet pas, comme on fait à Paris, que les pitreries se mêlent au noble travail des toreros.


On applaudira toujours le caballero en plaza, car son travail est synonyme d’adresse, d’habileté, d’élégance et de courage ; le public répugnera toujours à celui des Pegadores qui est grossier et stupide.

            Pour nous résumer nous dirons qu’il y avait dans le spectacle d’hier les éléments d’une course magnifique. Il appartient à M. Fayot de ne retenir que ces éléments.

            En supprimant les pegadores dont le public ne veut pas et en les remplaçant par deux picadores, en supprimant les troisièmes inutiles et en diminuant les prix du toril, la direction peut être assurée de faire dimanche prochain une bonne recette.

P.-S. — On nous signale de très justes observations au sujet de la suppression de quelques entrées aux premières, de l’incommodité du bar du rez-de-chaussée, enfin de la longueur excessive du contrôle.

            Nous aurons à revenir sur ces détails et à signaler au contraire de nombreuses et très heureuses innovations.

In LE PETIT RÉPUBLICAIN DU MIDI, Nimes - 1 de Maio de 1893