GRAN CORRIDA DE TOROS
en plaza de Nimes
DEUX TOROS MIS À MORT
(De notre correspondant)
La grande course de taureaux, qui a eu lieu dimanche dernier à Nimes, a été splendide. Le temps l’avait du reste favorisée. Dès la veille, l’animation en ville était extraordinaire : des trains de plaisir avaient été organisés et dans la soirée de samedi, comme dans la matinée de dimanche, notre gare n’a pas cessé de nous envoyer de nouveaux visiteurs, avides d’assister au grand spectacle des Arênes.
Avant de rendre compte de la lutte très dramatique à laquelle je viens d’assister, qu’il me soit permis de rendre hommage à ses habiles organisateurs, l’administrateur des Arênes de la rue Pergolèse (NOTA : M. Fayot) et de M. le comte de Vilar ; qui, d’accord avec le sympathique M. Pellueuer, ont offert aux Nimois cette belle course.
Les spectateurs — ils étaient plus de 20.000 — se sont retirés pleinement satisfaits, de ce que toutes les promesses faites avaient été tenues, et confondant dans l’expression de leurs éloges José Benta de Araujo, le caballero en plaza, dont les exercices palpitants d’intérêt ont été le clou de la fête et Cara-Ancha ainsi que son quadrille.
Nous arrivons aux détails de la lutte :
Au moment où elle commence — trois heures et demie — les Arênes sont bondées ; le coup d’œil est saisissant : La tribune officielle est occupée par le maire M. Reinaud et plusieurs membres du conseil municipal. Le préfet, M. le Mailler et sa famille assistent à la course, mais à titre privé et parmi les spectateurs.
Le premier taureau (Calceretto) (NOTA : Calcetero) s’avance lentement, puis fond sur un picador qui le repousse. L’animal reçoit trois paires de banderilles, après avoir été travaillé au manteau para Cara-Ancha (NOTA : José Campos) qui réussit admirablement plusieurs passes de muleta.
Deuxième taureau (Polvorillo). C’est un bel animal, plein de feu et de sang. Ici, tout le succès est pour le caballero en plaza, Jose Bento (de Araújo), qui exécute ses exercices avec autant de crânerie que de grâce. Carillo et Fuentès lui succèdent, puis Fernando Lobo. L’animal est ramené para Cara-Ancha, aux applaudissements de l’assistance.
Troisième taureau (Volante). L’animal renverse les picadores Francès, Parente et Vergas. Ceux-ci se relèvent et donnent de bons coups de pique. Banderilles par Frutos et Pedro Campo (NOTA : Pedro Campos, parente de Cara-Ancha). Passes remarquables de muleta par Fernando Lobo.
Quatrième taureau (Calabazo). Brillante sortie. L’animal reçoit six javelines de (José) Bento (de Araújo), dont deux courtes. Cara-Ancha s’avance et félicite le cabellero. Le taureau est ensuite banderillé par Cara-Ancha.
Cinquième taureau (Cignero). L’animal fond d’un trait sur le premier picador qui le repousse ; il reprend de l’élan et se précipite sur le second qui se défend mal et le renverse ; cheval mis hors de combat. À peine détourné, le taureau se rue sur le premier picador et enfonce ses cornes dna le ventre du cheval qui tombe blesé.
Trois autres chevaux sont blessés et mis hors de combat. Les picadores quittent l’arêne ; le public les réclame.
De toutes parts éclatent les cris de : À mort ! À mort !
Cara-Ancha prend une épée. Passes de muleta réussies. L’animal est encore plein de vigueur, il reçoit six coups d’épée ; au sixième seulement il s’affaisse et est achevé par le cachetero. (Applaudissements).
À ce moment le maire et le préfet se retirent.
Sixième taureau (Pinito). Belle sortie. Premier picador démonté, cheval renversé ; on le croit éventré, mais il se relève et lance une ruade ; une seconde fois le taureau fond sur lui et le met cette fois hors de combat. Le taureau reçoit deux bonnes paires de banderilles.
Cara-Ancha exécute plusieurs passes de muleta très hardies. Il donne un premier coup d’épée ; puis un second. Le taureau rend le sang par la bouche et s’afaisse ; il se relève quelques secondes pour tomber encore. Le cachetero met un terme à ses souffrances.
En somme, magnifique journée qui a donné pleine satisfaction à la population Nimoise et aux nombreux étrangers accourus de toutes parts pour assister à ce dramatique spectacle.
Alexandre Durand.
In PARIS-JOURNAL, Paris – 11 de Agosto de 1892