27 DE AGOSTO DE 1893 - MARSELHA: CAVALEIRO JOSÉ BENTO DE ARAÚJO APLAUDIDO E PRAÇA DE TOUROS INCENDIADA...

 


Bibliothèque nationale de France

GRAVES INCIDENTS

aux Arènes de Marseille

Marseille, 28 août

Incidents graves. — Les Arènes incendiées. — Une foule furieuse. — Les arrestations.

            On lit dans le Petit Provençal :

            Les courses d’hier ont donné lieu à des incidents scandaleux. A l’heure actuelle, on peut dire qu’il ne reste plus rien des arènes du Prado : les bancs ont été brisés puis entassés en forme de bûchers ; les arbres, les chaises, une partie des barrières, tout a été arraché et incendié. Le pavillon central respecté jusqu’à 6 heures, a été démoli à son tour, puis réduit en cendres. Les pompiers ont pu le préserver en partie, mais les dégats sont énormes.

            Voici l’exposé des faits :

            Les courses ont débuté dans des conditions normales. Les premiers exercices ont même soulevé à plusieurs reprises les applaudissements enthousiastes de l’assistance, surtout avec le caballero en plaza, José Bento de Araujo, qui a fait preuve d’une dextérité, d’une souplesse, d’une grâce incomparables. Le genre de travail auquel il s’est livré, exige autant de prestesse que de coup-d’œil et de sang-froid. Le public était réellement émerveillé.

Les Courses à Mort

            Mais après (José) Bento (de Araújo), la course a perdu tout intérêt. Les taureaux fournis par M. Fayot étaient des animaux ayant certainement couru plusieurs fois ; ils n’avaient ni agilité, ni feu, ni force défensive. Peut-être aussi certains matadors et banderilleros manquaient-ils d’expérience et d’habileté ; mais, à notre avis, la faute est surtout aux animaux, qui n'étaient réellement pas présentables. Le public, s’apercevant qu’on se moquait de lui s’est fâché toute rouge.

            Gavira et Manene, les deux matadors, ont tué chacun leur premier taureau, mais les conditions des bêtes étaient si mauvaises, que la tuerie a été plutôt une boucherie. Le dernier surtout a été abattu d’une façon absolument répugnante. Les coups d’épée ont porté à faux et il a fallu frapper six fois la bête pour la tuer.

            Les spectateurs indignés ont sifflé et jeté des cailloux et projectiles variés sur la piste. Bientôt le scandale a pris des proportions sérieuses, et l’on a dû aller requérir la gendarmerie.

Les arènes en feu

            Cinq mille personnes étaient là debout, invectivant les matadors et toute la cuadrilla, accusant les organisateurs d’avoir volé le public, etc.

            Bientôt une dizaine de jeunes gens se jettent au milieu de la piste, entassent des chaises, des tronçons de barrières, des planches, etc., et mettent le feu à ce bûcher improvisé. La police veut intervenir, mais des bagarres se produisent sur la gauche ; en outre, une centaine de spectateurs sont sur la porte, arrêtant au passage le personnel de la cuadrilla, prenant au collet picadores et banderilleros. Les agents sont forcés de se précipiter de ce côté et de laisser un instant les arènes sans protection.

            Vers 6 h. 3/4, nous comptons sept bûchers allumés sur le pourtour. Le public a arraché les bancs, les arbres, tous les objets inflammables et les a réunis en tas pour y mettre le feu. Vers la droite en entrant, le foyer s’étend sur plusieurs mètres de rayon ; des gerbes de flammes s’élèvent à douze mètres au-dessus du sol.

            A gauche du toril, autre bûcher dressé avec des barrières, les sièges qu’on a arrachés au pavillon central. Le feu gagne du terrain, d’autant plus que les herbes sont très séches et s’enflamment sans peine.

            Un cri d’horreur part tout à coup des tribunes de premières, non loin de la sortie. Un inconnu a mis le feu vers la gauche et l’pn peut craindre un instant que toutes les boiseries ne deviennent la proie des flammes ; mais la police intervient et peut maîtriser cet incendie partiel.

            Dans les arènes, la chaleur est atroce et la plupart des spectateurs sont sortis. Mais un certain nombre de fanatiques continuent à alimenter les foyers en y jetant tout ce qui leur tombe sous la main.

Incendie du Pavillon Central

            Vers 7 heures du soir, des individus poussent la chose jusqu’à former un bûcher sur le plancher du pavillon central, où se tient la musique. Tout le baraquement étant construit en bois, le sinistre ne peut manquer de prendre très rapidement de l’extension.

            Mais on a téléphoné aux pompiers de Menpenti et de la rue Montgrand. Les deux postes arrivent, munis d’échelles, de pompes, etc., et commencent aussitôt l’attaque. En même temps, la police et la gendarmerie font évacuer les Arènes et mettent en état d’arrestation six forcenés qui s’entêtaient à entretenir le foyer en disant : «On nous a volés, nous en prenons pour notre argent.»

            Nous avons le regret de constater que ces individus appartiennent à la classe éclarirée et occupent, en ville, des situations honorables. Nous taisons leurs noms, par un sentiment de discrétion que nos lecteurs apprécieront.

            Vers dix heures du soir, nous avons pu nous rendre compte du désastre : Les Arènes peuvent être considérées comme détruites. Tout a été brûlé ou détruit. Sans doute les pertes matérielles ne sont pas énormes, car il ne s’agit en somme que de planches et barrières sans valeur ; mais les travaux de réfection seront considérables.

            Il est à souhaiter, en tout cas, que de pareilles scènes ne puisent se renoiveler. On n’a eu hier, aucun incident de personnes à déplorer, sauf quelques femmes qu’on a dû emporter évanouies. Mais dans ces moments de confusion, de graves incidents pourraient se produire. Il est indispensable, désormais, que les organisateurs s’assurent rigoureusement de la qualité des bêtes et n’admettent sur la piste que des taureaux pouvant fournir une course sérieuse.

In LE PETIT RÉPUBLICAIN DU MIDI, Nimes - 29 de Agosto de 1893