13 DE AGOSTO DE 1893 – NIMES: QUEM NÃO SE SENTE NÃO É FILHO DE BOA GENTE…


 


Bibliothèque nationale de France

 TOROS DE MUERTE

EN NIMES

Malgré l’attrait de l’ouverture de la chasse, une nombreuse population était accourue des environs pour assister à la corrida ; et j’en connais des fervents de Saint-Hubert qui ce jour-là, abandonnant la poursuite d’un gibier de plus en plus rare, s’étaient rendus aux Arènes pour applaudir Cara et juger Fuentès. L’amphithéatre étair comble, le soleil mordorait les pierres et les fraîches toilettes étincelaient dans toute cette foule que piquetait de blanc les sans-gêne en bras de chemise.

À 3h. ½ sous la présidence de M. Regnaud la musique fait entendre l’hymne national, peu après retentit l’ouverture de Carmen et le paseo s’effectue.


Au passage de (José) Bento (de Araújo) de nombreux mécontents sifflent et les applaudissements unanimes sont réservés à la cuadrilla. En tête marchent le majestueux Cara-Ancha et l’élégant Fuentès. Chacun prend sa place : (José) Bento (de Araújo) impassible sous les sifflets attend la sortie de Confitero. Rouge meucheté de blanc, patriarcal avec ses cornes hyperboliques et sa haute taille il semble dédaigner les appels.

            Hélas ! tout de dédain n’est que pure molesse !


            Le rejoneador le cite de près et pose une bonne première javeline, des applaudissements éclatent mais ne parviennent pas à étouffer les sifflets stridents ; une deuxième javeline prend à côté de la première, (José) Bento (de Araújo) veut triompher quand même ; il prend deux banderilles dans une main et lui orne le garrot avec un brio remarquable ; c’est alors qu’énervé par cette hostilité persistante, il se précipite au galop vers la présidence et demande l’autorisation de combattre le toro cornes nues ; on la lui refuse. Deux autres banderilles sont successivement placées avec un grand mérite et sont vigoureusement applaudies par la majorité du public.

Moyano entre en suerte et banderille au cuarteo, avec un art incomparable. Americano attaque à son tour et tombe devant l’animal. Pedro Campo se précipite et dans un quite émouvant sauve son compagnon ; celui-ci remis sur pied pose une mauvaise demi-paire. Des applaudissements frénétiques éclatent, c’est Moyano qui les soulève et emballe son public. Americano à la seconde reprise n’est pas heureux.

Fuentès prend la muleta ; après onze passes bien dessinées, il marque une estocade un peu de côté.

Montenegro noir soutaché de blanc, aux cornes fines et de formes irréprochables fait une brillante sortie. Mlle Maria Gentis essaie une première javeline qui ne tient pas ; dans une fausse manœuvre serrée de près contre la barricade, elle échappe au danger grâce à son sang-froid et au peu d’insistance du toro qui dans cette affaire s’est montré d’une courtoisie parfaite. Dans les intermèdes, Cara nous fait applaudir de belles véroniques et Fuentès quelques brillantes largas.

Après une fausse attaque Sevillano banderille une première fois au cuarteo, Diaz est applaudi pour une jolie paire au sesgo alors que son compagnon répète sa première sortie.

Toujours élégant et courtois, la montera à la main, Cara demande au président de passer à Moyano les trastos. Accepte. Le public ratifie par des applaudissements. Deux passes de muleta un peu fièvreuses sont suivies d’une estocade marquée avec un báton ; sans se déconcerter le jeune torero prend la banderille de simulacre et marque une magnifique estocade. (Applaudissements frénétiques.)


Portrait fait par Servando

Ah ! Ah ! Carcalero arrive en bondissant, de ême forme et de même couleur que le précédent, il montre plus de vivacité. Le voilà parti sur Trigo, trop vif et le roublard picador ne croisant pas assez son cheval, la pique est de refilon ; la brave bête a senti le fer, elle charge avec entrain deux chutes de Trigo et Trescales dont la monture malade est emmenée à l’infirmerie. Fuentes opportun au quite, mais le pauvre Trescales tombé à découvert ne trouve son salut que dans la cape de Cara ; une explosion de bravos jaillit de la foule.

Ah Moyano que tu nous fais plaisir ! quelle science ! quelle élégance ! Une pluie de cigarres ne saurait trop récompenser les banderilles au pas, Americano toujours malheureux ne peut poser une paire entière.

Cara passe de muleta avec sa maitrise habituelle et porte un pinchazo entrant bien en suerte suivie d’une estocade qui couche l’animal. Le puntillero conclut au premier coup. Sacto rouge marqué de blanc, comme dirait Dupont, fait son entrée. Il tâte l’Artillero qui décidément ne peut pointer sa pique, elle est de refilon et le prudent picador se rattrape par deux puyasos convenables. Trescales n’essaie qu’une fois et sa monture en voit de cruelles.

N’insistons pas sur les banderilles de Pedro del Campo, applaudissons celles de Curinche.

Fuentes aborde le fauve avec confiance après un travail de muleta plein de finesse entre de près avec vaillance force sur le fer et porte une estocade atravesada dont le contre-coup le rejette ; deux autres passes de muleta suivies d’une autre estocade atravesada aussi profonde et le descabello au sixième essai. Azuceno nous arrive avec un formidable garrot, bien armé de poids, brillant, boyante, il pourchasse les peones et c’est un plaisir de les voir franchir prestement la barricade ; mais malgré sa corpulence c’est une véritable sauterelle que ce toro, d’un bond, sans toucher, le voilà dans le couloir ; voici un foli farol de Cara. Et les picadores ! Il ne doit pas les voir cet acrobate qui franchit à nouveau la barrière. Carriles lui tente le poil. Hardi ! en voilà deux par terre ce qui nous permet d’applaudir les quites des deux matadores.

Le public réclame des banderilles aux maîtres. Cara cite au quiebro vainement et se décide pour un joli cuarteo. Fuentes au pas pique ses banderilles de supérieure façon. (Musique pour les deux diestros).

Cara se présente à son ennemi et le passe de muleta avec sa sûreté remarquable, l’animal s’accule après trois estocades, subit cinq descabellos, se couche fatigué de tant d’insistance et se livre au puntillero qui l’achève au premier essai.

Si l’on n’avait pas vu mourir le précédent on le croirait ressuscité en la personne de Carnicero, gris souris comme son frère, fin de formes, bien armé et souple de jambes, car il franchit deux fois le callejon, il poursuit les bourdonnants peones. Les picadores n’ont pas l’air de s’apercevoir de sa présence… les flémards ! il faut bien entrer en danse pourtant ! deux chutes et trois chevaux malades, demandez à l’infirmier. Après avoir pris neuf piques cet animal brillant et volontaire passe aux banderilleros qui ne font rien de remarquable ; il y avait de la place pour pareur cependant.

Fuentes passe de muleta, cet animal distrait qui porte haut, un meti-saca et trois estocades courtes ont raison de la brute vigoureuse, qui, frappée à mort, ne veut pas se livrer au puntillero, s’affaisse et se relève à plusieurs reprises et meurt dans un dernier effort.

RÉSUMÉ

Toros bons dans leur ensamble, agiles et brillants, d’une remarquable beauté de formes pour les deux derniers surtout. Un peu distraits. Ces animaux paraissaient cependant avoir souffert de leur long séjour dans le corral, le brusque changement de régime leur ayant donné la diarrhée. Nous en avons vu les traces d’ailleurs !

Cara toujours élégant, magistral, incontesté, mais se ménageant un peu trop.

Fuentes, élégant, courageux, de grandes qualités, un joli jeu de muleta, et la main sûre. Ce jeune diestro a de l’avenir.

            Des banderilleros : Moyano.

Les picadores : Prudents, Carriles, le plus jeune peut-être, a donné une pique supérieure : Mlle Gentis est un écuyère parfaite, possédant le plus grand sang-froid.


Une partie du public s’est montré cruelle pour (José) Bento (de Araújo) ; on n’insiste pas de cette façon devant l’admirable travail qu’il nous a fait, c’était pénible et injuste. (José) Bento (de Araújo) compte aussi ses partisans. Ne soyons pas sectaires et soyons toujours justes.

MOSCA.

            Dimanche 20 août, pour les adieux du caballero en plaza (José) Bento de Araujo, corrida de six toros avec les cuadrillas de Eusebio, Fuentes, Manene, et de Gavira. Deux bichos seront estoqués.

            Le caballero en plaza, (José) Bento de Araujo, combattra à cornes nues.



In LE TORERO, 20 de Agosto de 1893